Expo à l’école secondaire Jeanne-Mance

Habiter sa nouvelle patrie

Depuis cinq ans, le centre Turbine et le Théâtre Le Clou réalisent des projets artistiques avec des jeunes de l’école secondaire Jeanne-Mance qui ont récemment immigré au Québec. Intitulée Habiter, l’exposition des œuvres de la dernière cohorte créées avec l’artiste Guillaume La Brie est présentée dans cette école jusqu’au 5 juin.

Veronika Pivtorak est née en Ukraine. Âgée de 15 ans, elle est arrivée au Québec l’an dernier avec ses frères Oleksii et Pavlo. Elle parle déjà un peu français et le doit aux cours de francisation qu’elle suit dans une classe d’accueil de l’école Jeanne-Mance, mais aussi à l’activité artistique qu’elle a menée l’hiver dernier avec l’artiste Guillaume La Brie.

Dans le cadre de ses projets pédagogiques organisés dans des écoles et des centres de santé, le centre Turbine a invité Guillaume La Brie à créer des œuvres avec des élèves. « Notre but est de faire connaître l’art actuel dans différentes communautés, dit Yves Amyot, fondateur de Turbine. On invite des artistes à venir y créer. Dans ce cas-ci, le but était que 12 jeunes apprennent le français à travers l’art. »

CONTES ET FORMES DÉCOUPÉES

La réalisation des œuvres a été inspirée par des contes urbains écrits par de jeunes auteurs par le truchement du concours Les Zurbains. Les élèves ont lu leurs textes en classe puis ont mis en scène le rapport entre leurs corps et l’espace par l’entremise de la sculpture et de la photographie.

Les jeunes ont ainsi créé, par équipe de deux, des sculptures en contreplaqué et carton. Une partie de l’œuvre représente la forme de leur tête et parfois de leur corps. « Nous avons pris crayon, dessiné contours puis découpé avec scie sauteuse, dit Veronika dans un français encore fragmentaire. J’aime beaucoup travail comme ça. »

La création des sculptures s’est faite lors de cinq rencontres successives en mars et avril. Leurs formes dépendaient de la position du corps que le jeune voulait prendre, une position dictée par des extraits des contes urbains. Chaque œuvre exposée est ainsi accompagnée de ces extraits.

« J’écoute la musique, je regarde mes pieds, Yves qui fixe le mur du fond, pendant que je marche je t’ai regardée puis tu m’as regardé. »

— Extrait qui accompagne une des œuvres

Chaque élève devait « habiter » sa propre forme dans la sculpture, d’où le titre de l’exposition. Ainsi, pour certaines sculptures, la forme est celle de quelqu’un qui marche. Pour une autre, l’élève avait les pieds collés. Les œuvres sont bien sûr empreintes de la démarche de Guillaume La Brie. Les formes de silhouettes découpées sont sa signature dans plusieurs de ses œuvres.

Guillaume La Brie a bien apprécié cette première expérience artistique avec des jeunes. « C’était très enrichissant, dit-il. Intéressant de les voir apprendre à faire les choses pour la première fois. Ils n’avaient aucune barrière pour créer. »

Leïla Saadoun, qui enseigne en classe d’accueil de cette école à des jeunes d’origine coréenne, chinoise, iranienne, ukrainienne ou libyenne, explique que les 12 élèves avaient été choisis en fonction de leur attirance pour l’art et de leur motivation.

« C’était très enrichissant pour eux, car ils ont appris un vocabulaire différent dans un contexte différent de celui de la classe, dit-elle. Ils ont même visité l’atelier de M. Labrie. Tout ça permet de les intégrer à la réalité québécoise. On les sort de ce qui est routinier. Ils peuvent entrer en contact avec le milieu culturel et c’est important, car un immigrant, quand il arrive – je suis bien placée pour le savoir – son premier souci, ce n’est pas la culture. Il a d’autres priorités. Donc, ça leur a permis de voir un autre aspect de la vie au Québec. Et travailler avec un artiste, c’est quand même un privilège. »

Exposition Habiter, à l'école secondaire Jeanne-Mance, 4240, rue Bordeaux, jusqu’au 5 juin

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.